Des funérailles à la maison

Il y a quelques années, ma partenaire d'affaire et moi avons organisé et guidé une célébration funéraire à domicile, comme il s’en faisait autrefois. La vieille dame dont nous nous sommes occupées est décédée à la maison de sa fille, tout comme mon amie le souhaitait pour sa mère. Sa famille avait pris soin de leur mère atteinte d’Alzheimer, pendant les cinq dernières de sa vie.

Quelques heures après son décès, nous avons pratiqué les anciens rituels traditionnels des soins pour les morts. Dans une atmosphère de respect et de dignité accompagné de musique et de poèmes, nous avons commencé lentement à laver son corps. Puis nous l’avons vêtu de vêtements propres et abrié d’une belle couverture. Son corps, maintenu au froid à l’aide de paquets réfrigérants, reposait dans sa chambre éclairée par une douce lumière de chandelles.

Elle est demeurée entourée de sa famille jour et nuit, où chacun veillait à tour de rôle à ses côtés. Du plus vieux au plus jeune, ils étaient huit en tout qui ont vécu cette grande intimité avec elle pendant trois jours. Parmi les rires et les pleurs, les repas et le va-et-vient du quotidien, c’est devenu évident pour moi combien il était sain de vivre ainsi la mort de cette vieille dame, l’aînée de la famille.

Leurs amis furent invités à se joindre à eux pour célébrer avec des chants, des partages de souvenirs, de la musique, de la nourriture et boissons. Avec l’aide d’une directrice funéraire, son corps fut transporté au centre de crémation. Une dernière cérémonie d’au revoir a eu lieu, puis la famille a accompagné la dépouille jusqu’au four crématoire. Ensemble, ils y ont inséré le cercueil et mon amie a appuyé sur le bouton pour enclencher les brûleurs. Ils se sont passé une bouteille de scotch en son honneur et ont repris la route de retour vers la maison. Encore aujourd’hui, je garde un souvenir indélébile de cette célébration funéraire familiale intentionnelle.

Mon amie a dû convaincre plusieurs membres de sa famille d'accepter que sa mère meure à la maison et que les funérailles s’y poursuivent aussi. C’était un nouveau concept pour la plupart d’entre eux. Au fil des derniers mois de la vie de sa mère, ils se sont ouvert à l’idée, et ont tous dit par la suite qu’ils souhaitaient toujours pouvoir vivre la mort, et honorer la vie d’un être cher de cette façon.  Ce fut un évènement positivement transformateur pour chacun.

Je voyais le désir profond que portait mon amie de vivre la mort de sa mère d’une façon familiale plutôt que commerciale ou religieuse. Elle habitait avec eux depuis des années, ils en avaient tous pris soin depuis l’évolution de sa maladie d’Alzheimer. Elle voulait continuer de s’en occuper jusqu’à la toute fin.

Par la suite, j’ai rencontré plusieurs d’entre eux et j’ai su combien cette décision fut bénéfique pour chacun. Ceux qui étaient nerveux et mal à l’aise avec le fait d’avoir le corps mort d’un membre de leur famille dans la maison se sont détendus. Les tensions fraternelles se sont apaisées, et leur capacité d’être individuellement et ensemble avec la mortalité les ont renforcés et unis. 

J’ai constaté qu’en réintégrant la mort dans leur contexte familial, culturel et social, ils ont redonné à la mort sa normalité, ce qui a apporté une nouvelle forme de santé mentale et émotive à cette famille.

J’ai aimé pouvoir observer mes sensations pendant que j’étais en présence de la défunte, immergée dans leur environnement quotidien. J’ai pu avoir un contact prolongé avec la mort, ce qui m’a apporté une autre vision au sujet des funérailles et des différentes options de célébrer la vie et la mort de quelqu’un qui nous est cher.

Je sais aussi que ce n’est pas une vérité absolue pour tous et toute situation de fin de vie. Pour cette famille, ce fut un déroulement extraordinairement parfait.  Et, je suis consciente que j’ai été privilégié d’y participer et d’en témoigner les bienfaits pour eux ainsi que de les vivre moi aussi.

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